Comment le Golden Gate Bridge a inspiré les EPI
La révolution industrielle et l’ingéniosité de l’Amérique ont permis de nombreuses avancées importantes en matière de sécurité des travailleurs et d’EPI (équipements de protection individuelle).
Au début de la révolution industrielle américaine, la sécurité et la santé des travailleurs étaient loin d'être aussi prioritaires qu'aujourd'hui. La croissance de l'industrie manufacturière s'est accompagnée d'une augmentation des accidents et des décès. L'idée d'un travail sûr est progressivement passée d'une lueur d'espoir à une flamme vive dans la conscience collective des travailleurs américains.
Bien que la réglementation OSHA n'ait été créée que plusieurs décennies plus tard, l'évolution des EPI s'est faite d'elle-même, avec la création de nouveaux types de dispositifs de protection et les progrès des dispositifs préexistants. Une grande partie de ces premiers EPI ont eu une influence majeure sur l'évolution de la sécurité des travailleurs et continuera de le faire.
Réaliste
Le Golden Gate Bridge de San Francisco, construit en 1933, est un excellent exemple précoce de l'influence des EPI sur la sécurité. La construction d'un pont suspendu à câbles de 1 280 mètres de long était une tâche inédite et comportait de nombreux dangers. L'ingénieur en chef du projet, Joseph Strauss, s'est engagé à rendre sa construction aussi sûre que possible.
La construction du pont a joué un rôle particulièrement important dans le développement réussi d'un type d'EPI : il s'agissait du premier grand projet exigeant le port d'un casque de sécurité pour tous les travailleurs. Bien que le casque de sécurité en fût à ses balbutiements à l'époque, la protection de la tête n'était pas une nouveauté ; les mineurs d'or avaient appris bien avant l'importance de se protéger des chutes de débris. Michael Lloyd, responsable de la protection de la tête chez Bullard, une entreprise en activité depuis 1898, racontait que de nombreux premiers mineurs portaient des chapeaux melon, des chapeaux en feutre dur à calotte arrondie. Souvent surnommés « chapeaux de fer », ils étaient rembourrés de coton pour créer une barrière d'amortissement contre les chocs.
Inspiré par le design de son casque militaire « doughboy », Edward Bullard rentra chez lui après la Première Guerre mondiale et commença à concevoir ce qui allait devenir le « casque dur ». Ce casque était composé de plusieurs couches de toile, imprégnées de résine et passées à la vapeur, cousues ensemble et vernies pour obtenir sa forme moulée. Bullard obtint le brevet en 1919. Plus tard la même année, la Marine le contacta pour lui demander une protection de la tête pour ses ouvriers des chantiers navals. Une première suspension interne fut ajoutée au casque afin d'en accroître l'efficacité, et son utilisation se répandit rapidement auprès des bûcherons, des services publics et des ouvriers du bâtiment. Lors de la construction du barrage Hoover en 1931, de nombreux ouvriers portaient volontairement ce casque. Peu après, la construction du Golden Gate Bridge mit à l'épreuve la capacité protectrice du casque, la chute des rivets constituant l'un des principaux dangers du chantier.
D'autres innovations sont apparues sous la forme de matériaux différents. En 1938, Bullard a lancé le premier casque de sécurité en aluminium. Plus durable et confortable, il conduisait l'électricité et résistait mal aux intempéries. Dans les années 40, les casques phénoliques ont fait leur apparition, remplaçant les casques en fibre de verre. Dix ans plus tard, les thermoplastiques sont devenus le matériau privilégié pour de nombreux produits de protection de la tête ; ils sont encore utilisés aujourd'hui par de nombreux fabricants.
EPI-Casques de sécurité
De gauche à droite : chapeaux de mineurs Bullard vintage, casque de sécurité Bullard vintage en aluminium dur des années 1930 (utilisé sur le projet du Golden Gate Bridge), casque de sécurité en aluminium dur avec doublure et un casque de sécurité actuel
En 1953, Bullard a introduit le procédé de moulage par injection des casques. « Auparavant, le thermoplastique était déposé dans un moule. Avec le moulage par injection, on utilise un moule fermé dans lequel on pompe. On obtient ainsi un casque plus homogène et de meilleure qualité, qui, à long terme, conservera la même épaisseur sur toute sa surface. Le casque sera ainsi plus sûr », a déclaré Lloyd.
Malgré l'efficacité du casque de sécurité et son coût relativement faible, son utilisation n'était pas officiellement obligatoire sur la plupart des chantiers jusqu'à l'adoption de la loi sur la sécurité et la santé au travail en 1970. La norme de protection de la tête de l'OSHA, 1910.135, obligeait les employés à protéger les travailleurs et demandait aux fabricants et aux employeurs de se tourner vers la norme Z89.1 de l'American National Standards Institute pour connaître les directives d'utilisation appropriées.
De nombreux nouveaux matériaux ont depuis été créés, comme l'utilisation de la résine polyphtalate-carbonate hautement résistante à la chaleur de General Electric dans les casques des pompiers. De nouveaux casques de sécurité offrant une protection latérale ont été conçus, désignés casques de type 2 par la norme ANSI Z89.1. « À l'origine, un casque de sécurité était conçu pour vous protéger si un objet tombait du ciel et vous frappait à la tête », a expliqué Lloyd. « Mais que se passe-t-il si vous heurtez quelque chose ? Que se passe-t-il si vous vous penchez et que quelque chose heurte votre casque ? »
Les casques de chantier étant un marché mature, hormis le développement d'autres matériaux, la plupart des innovations porteront sur le confort et les technologies permettant de résister à différentes températures extrêmes, prédit Lloyd. Des modèles plus faciles à utiliser apparaissent, permettant aux utilisateurs de régler la suspension d'une seule main. Ces dernières années, les fabricants ont mis au point différents types de casques ventilés conçus pour aider les travailleurs à rester au frais. Les casques sont équipés d'écrans faciaux, de visières et de coquilles antibruit amovibles, et certains sont dotés de doublures absorbant la transpiration. Certains sont également équipés de radios AM/FM, de talkies-walkies et de caméscopes.
Obtenir un rendement sûr
Bien que primitive par rapport aux normes actuelles, la solution au problème des chutes fut également envisagée lors de la construction du Golden Gate Bridge. Trois ans après le début des travaux, des retards avaient convaincu Strauss d'investir plus de 130 000 dollars (des dollars de la Grande Dépression, rappelons-le) dans un vaste filet semblable à ceux utilisés dans un cirque. Suspendu sous le pont, il s'étendait sur 3 mètres de large et 4,5 mètres de plus que le pont lui-même. Cela donnait aux ouvriers la confiance nécessaire pour se déplacer rapidement sur la structure métallique glissante. On rapporta que des ouvriers furent menacés de licenciement immédiat s'ils étaient surpris à plonger volontairement dans le filet.
Le filet de Strauss fut salué comme un immense succès jusqu'au matin du 16 février 1937, lorsque le côté ouest d'une plateforme de décapage transportant 11 hommes se détacha de ses amarres. Après avoir basculé dangereusement pendant un moment, l'autre côté se détacha et la plateforme s'effondra sur le filet, qui contenait deux autres membres de l'équipage qui grattaient les débris. Tom Casey, un ouvrier de la plateforme, réussit à sauter et à s'agripper à une poutre du pont avant que la plateforme ne s'effondre ; il y resta suspendu jusqu'aux secours. Le filet retint la plateforme et les autres pendant quelques secondes avant de se déchirer et de tomber à l'eau. Deux des 12 hommes tombés survécurent.
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